Il semble bien que la situation actuelle, offrant une impunité pénale de fait à certaines expressions délictueuses sur les réseaux sociaux, ne soit plus acceptable dès lors qu’elle autorise d’exprimer, toutes brides abattues, des propos haineux ou d’une grande violence, de nature à causer un tort considérable à ceux et celles qui en sont les cibles et partant les victimes. Cette évolution des réseaux sociaux oblige à réinterroger l’équilibre actuel entre la liberté offerte à l’expression et la sanction des abus commis dans l’exercice de cette liberté.
Poursuivant sa réflexion développée dans sa contribution au colloque « Vie privée, liberté d'expression et démocratie dans la société numérique », Jacques Englebert suggère une approche de la répression des expressions violentes qui dépasse le simple aménagement de l'article 150 de la Constitution.
Il faut dans un premier temps, clairement déterminer quelles sont les expressions qui, sans la moindre sanction pénale effective, ne semblent plus supportables et veiller à ce qu’un éventuel nouvel équilibre, trop facilement répressif, ne puisse pas servir à remettre en cause toutes les expressions, au seul motif qu’elles heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population. Ce qui serait incompatible avec « le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'y a pas de société démocratique, selon l’expression constante de la Cour européenne des droits de l’homme depuis son arrêt Handyside c. Royaume-Uni (Plénière), du 7 décembre 1976, sous peine de verser dans la « pente glissante » si bien dénoncée par la Cour suprême des États-Unis.
Il suggère dès lors qu'une autre voie, plus radicale mais plus conforme à la protection des autres expressions, est concevable. Elle consisterait à dépénaliser purement et simplement l’expression sous la seule réserve, quel que soit le mobil poursuivi, des appels à la haine ou à la violence qui seraient, à l'instar des expressions racistes, correctionalisés.
J. Englebert, « Comment réprimer les excès de l'expression sur les réseaux sociaux ? », note sous Cass., 7 octobre 2020, Revue du Droit des Technologies de l’Information (R.D.T.I.), 2020, n° 81, pp. 106 à 117.